Reposer sa volonté et progresser quand même

Quand j’étais nageur olympique, j’ai souvent entendu des gens me dire qu’ils imaginaient qu’ils fallait « une très forte volonté » pour arriver à ce niveau. Cette question m’a fait cogiter depuis toutes ces années, car ce qu’ils me disaient me semblait sensé mais je n’avais pas cette sensation.

Souvent, on associe la volonté avec une sorte de bras de fer avec l’adversité externe et interne. Or quand je voyais mon parcours ou ceux des nageurs et nageuses qui avaient des succès, ce qui comptait était une chose toute simple : être là à l’entraînement, être là physiquement et traverser ce que nos entraîneurs avaient placé devant nous, y compris les moments intimidants.

De l’autre côté de chaque séance, il y avait une nouvelle preuve qu’on en était capable et surtout la sensation que l’organisme étendait un peu ses aptitudes. Pas beaucoup, un peu. Un jour après l’autre, nous cheminions vers le plaisir de nouvelles sensations lors des compétitions à venir.

Dans ce cheminement, la volonté était plutôt épargnée : cela faisait bien longtemps que nous avions choisi de nous engager sur cette voie. Pas pour la vie mais pour un temps, nous étions curieux de ce que nous allions vivre en empruntant ce chemin. Nous avons eu des moments de doute, des déboires, des reconquêtes, fait face à des difficultés qu’il a fallu contourner ou dissoudre. Mais nous avions juste choisi une voie et nous faisions face, parfois durement mais souvent avec un sourire fatigué et satisfait.

Notre vie est plus joyeuse quand nous sommes un bateau qui tient des caps que lorsque nous dérivons comme un rondin promené par les flots.

Faut-il de la volonté à un bateau une fois qu’un cap est choisi ? Certes, on l’entend grogner et craquer quand le vent le prend en tenaille avec la mer, le navigateur doit souvent composer avec les vents, les courants et les vagues, mais il vit sa vie de bateau. Pourquoi parler de ça ? Eh bien parce que je crois que notre vie est plus joyeuse quand nous sommes un bateau qui tient des caps que lorsque nous dérivons comme un rondin promené par les flots.

Que cela signifie-t-il pour nous aujourd’hui ? C’est très simple : de même qu’il suffit de nager régulièrement pour être un nageur ou une nageuse, il suffit d’écrire pour être écrivain-écrivaine, de courir pour être coureur-coureuse, de lire pour être lecteur-lectrice, etc.

Il suffit d’être là et de « faire », notre organisme s’occupe du reste, il se nourrit de ce que l’on a vécu.

Simplement en faisant, en agissant un peu chaque jour, on approfondit un peu nos perceptions et on étend un peu nos aptitudes. Il suffit d’être là à l’entraînement et de « faire », notre organisme s’occupe des détails de la progression, de sa croissance, de ses aptitudes. Il se nourrit de ce que l’on a vécu.

Donc on a deux étapes :

  • une étape où la volonté est mise à contribution, quand on choisit une voie. C’est beaucoup plus facile quand on se laisse la liberté de se dédire, mais le bateau doit quand même se tenir à ne pas changer de cap trop souvent…
  • l’activité elle-même, où l’on s’occupe tout simplement de faire face à ce qui vient, dans les conditions que l’on a choisies à la première étape. Ici la volonté peut se reposer 😇

Ainsi, un nageur accepte de participer à un stage de natation et ne se pose plus la question de savoir s’il va se lever ou non pour aller à l’entraînement ; ça pique souvent, il se demande s’il peut ne pas y aller. Mais non, il a choisi. Une fois à l’entraînement, il traverse et profite du voyage, parfois avec quelques paquets d’eau qui le font douter, mais le sourire l’attend de l’autre côté de sa séance.

Ma proposition pour les jours qui viennent

Aussi, voici ma proposition pour les jours qui viennent :

  • et si vous choisissiez un aspect que vous aimeriez voir s’améliorer dans votre vie ?
  • quelle action ou quel processus concret irait dans ce sens ?
  • si vous ne l’avez pas déjà fait, c’est bien la preuve qu’il faut négocier avec vous-même (sinon ça serait déjà fait !) : alors pour éviter la peur d’un obstacle trop haut, quelle est la dose que vous seriez à même de faire avec succès ? Je propose de réussir à avancer pendant cinq minutes et d’en savourer les fruits, plutôt que de ne pas tenir votre promesse d’y consacrer trois heures et de ruminer votre déception 😉
  • Si vous la mettez dans votre agenda (une date), un lieu déjà prévu, peut-être des gens avec qui vous allez le faire, votre volonté sera économisée d’autant…
  • car il reste l’étape cruciale : quand viendra le moment, l’enthousiasme sera peut-être là, ou bien vous sentirez de petits doutes « et si je faisais ceci ou cela à la place ? ». C’est le moment de tenir la barre avec le sourire et de prendre quelques paquets de mer sur le pont, votre navigation est en cours !
  • et la dernière étape ? C’est de vous prêter à cette activité, votre organisme est en train de se nourrir et vous progressez sans même y penser. 😊

J’aurai l’occasion d’écrire plus tard sur les délices de traverser la cure d’automne de Feldenkrais. En attendant, je vous souhaite : Bon voyage ! ☺️

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