Il y a quelques années, lors d’une retraite que j’avais organisée à Lacanau (sur la côte Ouest de la France, près de l’océan), nous avions adopté une plaisanterie entre nous : quand nous disions « anodin », c’était en écho aux mouvements qui n’avaient l’air de rien mais qui déclenchaient des réactions très importantes et très bénéfiques. Après le premier épisode de ce genre chez une participante, nous avons plaisanté pendant tout le reste de la semaine, en disant « c’est anodin ! » quand les sensations corporelles étaient généreuses alors que les mouvements semblaient mineurs.

Ces derniers jours, je me suis interrogé plus profondément au sujet du sens du mot « anodin », en allant jusqu’à son étymologie. Ô joyeuse surprise ! il y a deux couches :

  • une première couche, moderne, qui donne les sens suivants :
    • 1. Inoffensif, sans danger. Une plaisanterie anodine.
    • 2. Sans importance, insignifiant. Des propos anodins.
  • une deuxième couche donnée par l’étymologie :

Ha ! Quand il y a des choses qui calment la douleur, ça m’intéresse ! Mais alors, comment ce mot est-il devenu « sans importance » ? En tirant le fil, il semble que l’histoire se soit tissée en médecine : quand c’est anodin, ça calme la douleur mais ça ne va pas en chercher la cause. Donc c’est mieux que rien, mais on aimerait quelque chose de plus « sérieux », qui irait résoudre la cause première.

Mais en Feldenkrais, on regarde l’organisme dans son entier. Quand une cause particulière a été écartée (pas la peine d’aller chercher une approche holistique devant une fracture), le plus souvent, le désagrément émane d’une bizarrerie dans le fonctionnement global. Par exemple, une douleur au cou n’a rien d’étonnant si on fige tout le temps les hanches : un mouvement aisé est distribué partout, or là on est obligé de faire avec le cou ce qu’on ne fait pas avec le reste. À force de travailler exagérément, l’organisme finit par réclamer que l’on trouve un fonctionnement plus équitable. C’est une sorte de préavis de grève.

Je ne peux que vous inviter à voir la douleur comme une boussole en expérimentant des mouvements où la douleur diminue, des attitudes où la douleur s’apaise, des découvertes qui calment la douleur, en un mot des choses anodines. Ainsi, une douleur peut disparaître parce que l’organisme fonctionne différemment, tout simplement.

Il se peut alors que l’on ait touché à quelque chose de plus profond et signifiant que la langue ne le dit.

Photo de Alexander Grey sur Unsplash

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