Pourquoi on est obligé de se faire du bien et pourquoi ce n’est jamais fini…

« Quand on a fait une séance et qu’on se sent super bien, est-ce qu’on doit le refaire régulièrement pour en garder les bénéfices ? » me demande-t-on souvent. D’un côté, ça serait vendeur de dire « C’est miraculeux, vous le faites une fois, et les douleurs gênantes auront disparu à tout jamais ! » mais nous sommes sans doute d’accord que ça serait suspect, n’est-ce pas ?

C’est suspect parce que ça n’existe pas et qu’il y a une bonne raison pour cette impossibilité : de la même façon qu’il n’y a pas de brosse à cheveux qui vous dispense de coiffage à tout jamais, notre organisme fait parfois des nœuds et on est obligé de prendre un temps pour démêler les neurones qui s’emmêlent.

La physique parle d’entropie, du fait que le vivant est une façon de mettre un peu plus d’ordre dans un petit bout de l’Univers qui, globalement, va vers un désordre complet… Est-on vraiment soumis à cette loi qui fait que tout se disperse ? Le suspense est intense, car la réponse nous concerne tout au long de notre vie d’adulte !

Lente glissade vers le chaos

Si on creuse un peu, on voit qu’il est facile de casser quelque chose, mais que la réparation réclame plus de soin. Il est facile de secouer une boîte pleine de perles de toutes les couleurs, mais qu’il fait plus de patience pour les trier par forme et par couleur et qu’il faut prendre un peu soin de la boîte de rangement si on veut que le tri perdure.

Est-ce la même chose pour nous ? Pas tout à fait, car notre organisme est vivant, actif, intelligent, sensible, capable de gommer une bonne partie des irritations du quotidien. Comme tout cela travaille en silence, souvent on ne s’en aperçoit pas et c’est peut-être un peu ingrat ; mais le fait est que nous sommes souvent en meilleur état après une bonne nuit de sommeil, ou une pause délassante.

Il n’en reste pas moins que le temps peut nous dégrader aussi bien qu’il peut nous améliorer. Or la dégradation se cache dans l’insensible et la pénombre, quand le hasard a de la place pour mélanger et faire des nœuds, prendre des décisions contraires à notre intérêt… Parfois on prend une habitude étrange de pencher un peu plus sur un pied, on diminue les possibilités d’une chaîne d’articulations, on impose à certaines parties de concentrer la force pour réaliser une action et ici, contrairement à l’adage, le hasard ne fait pas bien les choses.

La dégradation est-elle inéluctable ?

Alors on peut être nostalgique du paradis perdu de l’enfance, quand la croissance dépliait un organisme tout neuf et admirablement fonctionnel. On peut se lamenter de notre sort et dire au monde qu’il n’avait pas le droit de nous faire ça. Tout ceci est légitime.

Ou bien on peut s’inspirer des stoïciens, accepter que « c’est comme ça » et faire contre mauvaise fortune bon cœur. Car la contrepartie du fait qu’on se dégrade un peu est la suivante : quand la tendance naturelle nous a fait glisser un peu plus bas dans la pente, on peut apprendre à réparer les petits dégâts et remonter le chemin plus haut que l’endroit d’où nous étions partis. Eh oui, il y a des aspects positifs au vieillissement.

De bonnes nouvelles

Nous sommes en meilleure position que Sisyphe : oui, nous n’aurons jamais fini de remonter la pente et nous glisserons toujours un peu. Nous avons besoin d’une discipline, de prendre un peu de temps pour démêler ses neurones régulièrement. Donc oui, ça glisse, mais nous avons des outils pour remonter la pente. Ce n’est pas gratuit de vivre avec aisance mais c’est plus cher de choisir la glissade, non ?

Alors voici trois bonnes nouvelles pour choisir une vie plus aisée :

  • il y a de plus en plus de pratiques qui aident à nous démêler ; il y a Feldenkrais évidemment, mais aussi toutes les pratiques cousines (Alexander, BMC, eutonie, Ehrenfried, Hanna Somatics), ou bien des pratiques dérivées de formes variées de Yoga, et puis de nombreuses formes de méditation. Le choix est vaste et j’en oublie beaucoup ! Vous avez peut-être une pratique préférée, laquelle est-ce ?
  • le sociologue Jean Viard souligne que nous avons gagné énormément de temps par rapport à nos ancêtres. Nous avons largement le temps de donner à notre organisme de jolis moments pour qu’il fasse son travail de réparation et d’amélioration.
  • Enfin, la différence entre « 0 min » et « 5 min de temps en temps » est immense. C’est peut-être pour ça que c’est difficile de s’y mettre. Comment fait-on pour rassurer la partie de nous-même qui préfère se laisser glisser ? Comment se proposer une petite aventure, le genre d’aventure qu’on a du mal à entreprendre mais qu’après coup, on est tellement heureux d’avoir entrepris ? 😇

Photo de Jess Zoerb sur Unsplash

Parenthèse scientifique si vous voulez creuser encore un peu

Concernant ces phénomènes où les choses se mélangent, un raisonnement amusant est le suivant : si on prend une boîte coupée en deux avec des billes rouges d’un côté et bleues de l’autre, que va-t-il se passer quand on ménage une ouverture entre les deux compartiments ? Eh bien on va se trouver avec un mélange de bleues et de rouges dans toute la boîte pour une raison très simple : il y a énormément de façons différentes d’avoir des boules bleues et rouges des deux côtés, alors que la situation de n’avoir que des boules bleues d’un côté et des boules rouges est comparativement très rare. Je vous invite à aller voir des explications sur l’entropie pour explorer ces notions.

Dans la même veine, une joueuse de billard qui frappe généreusement les billes dispersées a une chance que toutes les billes se regroupent en un joli triangle ordonné comme au début mais personne n’a jamais vu une telle situation se produire. La physique l’autorise, mais le jeu des probabilités fait que le désordre l’emporte.

Pour qu’elles se regroupent en un triangle, on peut attendre infiniment longtemps que cet événement se produise, ou alors la joueuse apporte un peu de travail et réarrange les billes… avant de les disperser de nouveau, car c’est ce qui l’amuse dans ce jeu, il n’y aura pas deux parties pareilles.

Photo de Jyrki Nieminen sur Unsplash

2 Commentaires sur “Pourquoi on est obligé de se faire du bien et pourquoi ce n’est jamais fini…

  1. isabelle minetto dit :

    Merci Vladimirpour ce partage. Je quitte le chu de mpt aujourd’hui et je vais me brosser les cheveux et démêler mes neurones avec dans les vents des vallées Lozèriennes. J’ai vraiment aimé cette idée d’un brossage …..Bonne reprise à toi. A bientôt !

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