Au détour d’une lecture, voici une citation du philosophe écossais John Mac Murray :
En imagination, nous sommes persuadés qu’il serait agréable de vivre avec une conscience pleine et riche du monde. Mais dans la pratique, la sensibilité fait mal. Il n’est pas possible de développer la capacité à voir la beauté sans développer également la capacité à voir la laideur, car il s’agit de la même capacité. La capacité de joie est aussi la capacité de douleur. Nous constatons rapidement que toute augmentation de notre sensibilité à ce qui est beau dans le monde augmente également notre capacité à être blessé. Tel est le dilemme dans lequel la vie nous a placés. Nous devons choisir entre une vie mince et étroite, non créative et mécanique, avec l’assurance que même si elle n’est pas très excitante, elle ne sera pas intolérablement douloureuse, et une vie dans laquelle l’augmentation de sa plénitude et de sa créativité apporte une vaste augmentation de la joie, mais aussi de la douleur et de la souffrance.
in Reason and Emotion
Je souscris pleinement à cette affirmation, notamment après avoir complété ma formation en Feldenkrais par une formation de praticien en Somatic Experiencing, qui aide à digérer des traumatismes en explorant notre réponse au stress et au danger. On y perçoit clairement comment notre organisme peut décider de fermer la porte à ce qui fait mal, en sentant moins, mais que cette paix a un prix : une grisaille diffuse s’installe, sans trop de douleur mais sans trop de joie.
Quand la peine pèse plus lourd que la joie
Ouh là là, traumatisme, douleur, laideur, de nombreux mots qui donnent une note sombre à cette note de blog. Intéressante sensation, car elle nous permet de remarquer à quel point notre attention est attirée par le négatif. C’est une tendance bien connue : que l’on parle 10 minutes de choses qui vont bien et une minute de choses qui vont mal, et notre attention conclut que ça va mal.
Certes, c’est une bonne stratégie pour la survie. On est vigilant aux éventuelles difficultés. Mais dans un monde où nous sommes inondés de mauvaises nouvelles car les journalistes veulent attirer notre attention, nous avons besoin :
- de savoir que c’est une bonne idée que d’ouvrir l’éventail de notre sensibilité,
- d’apprendre à protéger nos petites antennes de l’acide,
- de prendre l’initiative d’assainir l’atmosphère quand on sent qu’elle est difficile. Pour reprendre les mots du philosophe, il ne s’agit pas de nier ce qui est laid mais d’accorder une attention particulière à ce qui est beau.
Haut les cœurs !
Pour suivre une joyeuse invitation de notre philosophe, je vous propose cette citation, que je trouve réjouissante :
L’expression la plus simple que je puisse trouver pour la thèse que j’ai essayé de soutenir est la suivante : Toute connaissance utile est au service de l’action, et toute action utile au service de l’amitié.
in The Self as Agent
Photo de Fa Barboza sur Unsplash