Sur Feldenkrais Replay, vous avez peut-être remarqué qu’il y a des :

  • leçons dites « bleues », accessibles à tout public, des plus expérimentés aux débutants,
  • leçons dites « rouges », proposées au public avancé… En ce moment, les leçons sont particulièrement corsées, elles préparent un équilibre sur les poignets ou sur la tête, aucun doute qu’elles sont destinées à un public avancé !

Mais que veut dire « avancé » ? S’agit-il d’avoir une large culture ? Des mouvements de référence ? Un corps athlétique capable de choses incroyables, telles que de se toucher les orteils avec les mains ? Ou mieux encore, toucher le bout du coude avec la langue ?

L’impossible devient possible… tout en finesse

Pour ce qui concerne le bout du coude, je ne connais personne qui ait réussi, mais vous êtes peut-être en train d’essayer. Eh bien justement, nous touchons du doigt ce que signifie d’être « avancé ou avancée » en Feldenkrais.

Car si vous essayez, vous pouvez :

  • essayer une fois ou deux et abandonner,
  • essayer une fois ou deux, puis insister, forcer, pester, vous faire mal, et en vouloir à celles et ceux qui ont eu l’idée saugrenue d’en parler (mes excuses !),
  • essayer plein de fois de la même façon en espérant que quelque chose change,
  • etc.

ou bien vous pouvez :

  • essayer une fois pour sentir dans quelle mesure c’est possible,
  • constater que ça n’est pas encore facile,
  • essayer d’une autre façon, par exemple approcher le coude de la langue,
  • varier les positions de l’omoplate et de la tête,
  • varier les positions : allongé(e), debout, assis(e), couché(e),
  • appuyer le coude sur un mur et approcher délicatement la tête,
  • essayer de nouveau, peut-être que ça s’est amélioré, mais probablement que ce n’est toujours pas vraiment possible,
  • constater que vous avez gagné de la mobilité ailleurs et que ça vous a amusé(e) de faire ces expériences,

Ou encore, essayez la méthode la plus avancée : explorer en imagination et constater avec surprise les bénéfices, sans avoir transpiré ! Marcel m’a récemment raconté au téléphone (merci !) que, bien que les pressions sur ses poignets soient douloureuses, il a quand même profité d’une leçon impossible pour lui (car elle demandait de porter tout le poids sur les poignets)… simplement en l’imaginant.

Être un ou une pratiquante avancée

C’est tout simplement ça, être avancé(e) en Feldenkrais, c’est d’être capable de chercher – sans se brusquer outre mesure – et de profiter du chemin. On vit une amélioration, que l’on atteigne le but final ou pas et surtout on a appris à se confronter à une énigme et d’en tirer du plaisir.

Ça n’a l’air de rien, mais c’est à contre-courant de très nombreuses habitudes de notre société, laquelle promeut un résultat même si c’est en serrant les dents, parfois même en négligeant la douleur. Pourtant, sans nier le fait que celle-ci s’installe parfois pour longtemps, la douleur est souvent notre alliée pour éviter les impasses (un peu de lecture sur une vision positive du vieillissement, ou sur le club des éclopés).

Pour aller à rebours de cette tendance, il faut faire des expériences concrètes, qui nous permettent de sentir qu’il est plus efficace de chercher avec calme.

Certes il y a des moments où l’on met sa fougue en action, mais ces moments méritent d’être préparés par des temps de jeu, dans la détente. Pour parler du tigre en vous, il y a un temps pour le jeu et la découverte des joies du mouvement, les galipettes quand on est un tigreau, et un temps pour l’énergie et la précision maximales lorsque le tigre ou la tigresse adulte chasse une proie. Les deux comptent !

Aussi, bombardés en permanence par l’injonction à faire « n’importe comment, pourvu que ça marche », il se peut que l’on bouille d’impatience quand on voit que ça prend du temps d’ouvrir de nouvelles possibilités. Faut-il une séance, dix, ou une année de pratique pour sentir que l’on recèle en soi une sensibilité inexplorée ?

Quand celle-ci se révèle être l’une des clés de moments délicieux, il y a de quoi s’y intéresser, mais on ne le saura qu’en y goûtant.

En conclusion, du moment que l’on découvre que l’objectif n’est pas de tout réussir mais de tout essayer, on peut se frotter — en toute sécurité — à des positions et des mouvements un peu acrobatiques. Vous le sentirez lors de votre prochaine séance rouge, d’autant plus facilement que les mouvements vous semblent impossibles. Ô joie, c’est l’occasion d’apprendre à mieux essayer sans jamais réussir.

PS : en écrivant cet article pour vous, j’ai découvert avec un rire que des gens avaient écrit une page toute entière pour apprendre à toucher le coude avec la langue… A vous de jouer, c’est par ici !

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